Produit des processus politiques et économiques, le paysage contemporain évolue aujourd’hui jusqu’à disparaître dans son assujettissement. Les
« non-lieux » de Marc Augé se multiplient avec analogie à grande échelle, alors que les périphéries saturées des villes se cloisonnent dans des architectures impersonnelles et déshumanisées. « Lorsqu’un paysage a perdu sa cohérence, disait Alain Buttard, le seul sens que puisse lui donner un photographe, c’est celui de la cohérence perdue ! ».
Depuis 10 ans, mes divers travaux proposent de construire une anthropologie des territoires contemporains en observant leurs  mutations et en montrant comment peu à peu les formes, fonctions et usages de nos espaces de vie se globalisent.

Entre 2011 et 2015, mes projets se focalisent sur les territoires frontières entre villes et campagnes. Ces espaces de tensions, ces zones en marge révèlent l’évolution de nos paysages et questionnent, à travers eux, l’identité que nous nous construisons. S’inscrivant dans la sérialité, les photographies font sens et corps sans individualité grâce au respect d’un protocole de réalisation rigoureux (toujours à la même heure, à la même altitude et avec la même focale), à la sélection précise des lieux capturés et au dessin de cadrages volontairement désorientants. L’abstraction, la platitude et la neutralité y sont revendiqués comme interfaces entre le fond et la forme des sujets, construisant minutieusement ce que Barthes nommait des « photographies pensives ».

L’abstraction, dont je puise les influences dans la peinture de Noland, Rothko, Soulages, ou Malevitch, conduit tout d’abord à remettre en question le médium photographique dans sa capacité à retranscrire le réel. La suppression des éléments identifiables nous perd dans un univers irréel que nous devons décrypter pour comprendre un monde que nous savons réel, mais que nous ne pouvons immédiatement accepter. La conjugaison du point de vue aérien et de l’abstraction permet ensuite d’interroger la capacité de nos territoires contemporains à délivrer une quelconque forme d’intelligibilité et à s’inscrire à un principe d’identité. Dénigrés comme «lieux» à part entière, les espaces ici capturés se transforment en objets portant dans leur forme un engagement social et révélant une forme de « matrice » de notre société.

Ainsi, entre la nécessité de capturer le réel et celle de sa transfiguration en tableaux, mes travaux tentent d’apporter à nos territoires contemporains un réalisme nouveau.

Jérémie Lenoir

www.jeremielenoir.com

Dans le cadre de ST-ART, Foire européenne d’art contemporain
www.st-art.com

 

Compétences

Posté le

27 octobre 2016